lundi 16 octobre 2017

Le mythe persistant du pillage de l’Afrique par l’occident




Cet article vise à renverser le mythe du complot racial des pays riches à l’encontre de l’Afrique, pour piller ce continent. Il se veut également le support d’une réflexion plus profonde sur un sujet maltraité. Tous les faits avancés sont issus de sources fiables, et consultables.  Évidement, la liste des faits présentés n'est pas exhaustive, mais se veut une représentation fidèle du mouvement global des transferts financiers entre Afrique et occident.


1)      Les transferts de capitaux.

Dans le cadre d’un pillage d’un continent par un autre, les transferts de capitaux devraient logiquement partir du continent pillé pour arriver vers le pays pilleur. Logique. Mais qu’en est-il réellement ?

a)      Les transferts effectués par la diaspora. 

Selon la Banque Mondiale[1] 575 milliards de dollars ont été transférés par les migrants résidant dans les pays développés vers les pays en développement (82 milliards pour l’Afrique et le Moyen-Orient). Ironie de la situation, entre 60 et 80 milliards c’est le montant estimé du coût de l’évasion fiscale pour la France par les associations d’extrême gauche[2].

Pour certains pays africains, cette manne financière représente même plus de 30% de leur PIB[3], signe de son caractère extrêmement profitable pour ces derniers.

Pays
Argent reçu/PIB
Liberia
31
Gambie
22
Comores
20
Lesotho
18
Sénégal
14

b)      Les transferts effectués par les Etats.

En matière d’aide financière directe, les pays développés envoient chaque année 55 milliards en Afrique[4] (dont 3 milliards pour la France, et 9 milliards pour les États-Unis), et 150 milliards pour l’ensemble de la planète. A lui seul, le Congo reçoit en moyenne 3,7 milliards par an. Plus de 40% de ces sommes sont utilisées directement pour faire de l’aide sociale, et moins de 10% vont pour le développement de la production dans ces pays. Par conséquent, avec une telle répartition, l’aide étrangère ne peut absolument pas conduire au développement de l’Afrique, mais maintient le continent sous perfusion. Ainsi, des pays comme le Liberia se retrouvent avec une aide occidentale représentant 73% de leur PIB[5].

Par ailleurs, 45 millions de personnes sont nourries chaque année par l’aide alimentaire internationale (World Food Programme)[6], avec bien souvent des denrées alimentaires provenant des pays développés. 

Annulation de dettes – Le FMI a effacé en 2005 la dette de 19 pays pauvres, dont 13 pays africains, à hauteur de 100%, pour un montant de 3 milliards[7] (cela concerne le Bénin, le Burkina Faso, l’Ethiopie, le Ghana, Madagascar, le Mali, le Mozambique, le Niger, l’Ouganda, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie et la Zambie). Toujours en 2005, le G8 annule pour 61,6 milliards de dette de pays africains, en pure perte, puisque les états ayant bénéficiés de la mesure en ont profité pour s’endetter de nouveau, multipliant ainsi leur dette par trois pour certains[8]. La Russie quant à elle a annulé 20 milliards de dette des pays africains récemment[9].

Retraites - Enfin il convient de préciser les transferts de capitaux liés aux retraites, puisque la France possède un modèle de financement de ses retraites par répartition. Cela signifie donc que les retraites versées actuellement n’ont pas été cotisées puis restituées sous forme de rentes, mais que les salariés actuels financent directement les retraites actuellement versées. Par conséquent, il faut également prendre en compte les versements de retraites en Afrique. La Cour des Comptes[10] chiffre à 2,3 milliards d’euros par an le montant des retraites versées rien qu’au Maroc, en Algérie, et en Tunisie. Précisons en outre, que toutes les retraites versées ne sont pas des retraites contributives, et qu’il y a en plus 3,2 milliards par an de retraites versées au titre du minimum vieillesse (ASPA, ASI) sans aucune cotisation préalable, ni contrôle du respect de la condition de résidence en France, pourtant nécessaire en théorie.

c)       Les transferts effectués par les investisseurs en Afrique.

Les investissements privés étrangers en Afrique représentent 59 milliards par an selon les Nations Unies[11]. Ces fonds proviennent une fois encore des pays développés accusés de piller le continent africain.


2)      Les transferts de matières premières.

Clarification – En tout premier lieu, il faut lever une ambiguïté extrêmement idiote qui consiste à considérer les achats de matières premières aux pays en développement comme un « pillage » de leurs ressources. Or, qualifier une transaction commerciale de pillage ou de vol, c’est parfaitement grotesque. En effet, qui pourrait affirmer en toute bonne foi que lorsqu’il va acheter ses courses au supermarché du coin, il est en train de commettre un pillage du supermarché ? Cette conception de l’économie relève assurément de la psychiatrie, et surement pas de l’analyse économique. 

En second lieu, la notion de « pillage » est avancée pour dénoncer des achats de matières premières fait à des prix ridiculement bas. Or, malheureusement pour les consommateurs européens, l’Afrique ne pratique pas de prix d’amis avec eux, bien au contraire. A cet égard, il est possible de citer le cas de l’OPEP, qui limite sciemment sa production de pétrole afin de gonfler artificiellement son prix de marché[12]. Je laisse le soin aux lecteurs d’apprécier l’hypothèse d’une situation inverse, où les pays riches se coaliseraient pour décider de faire monter les prix des ressources nécessaires aux pays en développement, et les commentaires scandalisés que cela susciterait en toute hypocrisie.

a)      L’or.

Parmi les 20 premiers pays producteurs d’or de la planète, seulement 4 sont africains[13] (ce qui inclut l’Afrique du Sud, qui n’est pas un pays clairement en développement).  Ainsi parmi ces 20 pays, les pays africains (hors Afrique du Sud) ne représentent que 8% de la production mondiale (soit l’équivalent de 7 milliards d’euros au prix de la tonne d’or). Une goutte d’eau, notamment à côté de la Chine qui représente 18% de la production à elle seule, et qui ne semble pas émouvoir les bonnes consciences sur le « pillage » de ses matières premières. 



b)      Les diamants.

En ce qui concerne les diamants l’Afrique est mieux placée (hors Afrique du Sud), car elle totalise 53% de la production mondiale de diamants, contre 47% pour les pays développés[14] (la Russie est néanmoins le premier producteur mondial de très loin). Une fois de plus, le « pillage » des diamants russes, canadiens, et australiens ne suscite pas d’émotion particulière. Difficile à évaluer en raison de fortes disparités entre les qualités de diamants, le bénéfice de l’extraction de diamants en Afrique peut être chiffré à plusieurs milliards par an, ce qui fait entrer autant de devises étrangères sur le continent.

c)       Le pétrole.

Probablement la ressource qui alimente le plus les fantasmes complotistes, au point qu’on pourrait se demander s’il pourrait encore avoir des guerres au Moyen-Orient si l’Occident abandonnait le pétrole au profit de la géothermie (la réponse est évidemment 100 fois oui malheureusement).  Néanmoins, l’Afrique joue un rôle très secondaire sur cette ressource. En effet, le premier pays africain producteur de pétrole, l’Angola, arrive à la 14ème place des producteurs mondiaux, produisant 6 fois moins de barils que la Russie et les États-Unis[15].   

Quant au Gabon, souvent présenté comme l’exemple des pillages perpétrés par la France, il n’arrive qu’à la 37ème position des pays producteurs de pétrole. Notons par ailleurs que le baril de pétrole se négocie autour de 50 dollars et qu’à ma connaissance, aucun programme de pétrole gratuit distribué à la France n’existe de près ou de loin. Enfin, car c’est souvent l’horrible Oncle Sam qui est régulièrement pointé du doigt, il faut rappeler que les États-Unis n’ont un taux de dépendance à l’importation de l’énergie que de 11,3%[16]

Il demeure que cette ressource financière est importante pour l’Afrique qui produit tout de même 2,6 milliards de barils par an, soit une manne de 133 milliards de dollars bruts à la revente, qui sont potentiellement autant de devises étrangères qui rentrent facilement dans les pays africains.


3)      Les exportations vers l’Afrique.

Les balances commerciales africaines nous apprennent une chose : comment un pays qui importe plus que ce qu’il exporte, pourrait-il être pillé ? En effet, pour faire simple si au terme d’un échange vous recevez plus de marchandises que ce que vous donnez, vous êtes bien le gagnant de l’opération par équivalent brut. 

Poids de l’Afrique – Un autre argument souvent entendu concerne le poids supposé des importations en provenance d’Afrique pour l’économie française (et occidentale) qui sans ces importations serait ruinée ou que sais-je. Là encore rien n’est plus faux. L’Afrique est l’avant dernier partenaire commercial de la France. Chaque année, la France importe pour 23 milliards d’euros de marchandises africaines, et exporte pour 29 milliards de marchandises vers l’Afrique[17]. C’est donc 6 milliards nets de marchandises françaises qui sont soustraites à la France par l’Afrique (Un peu d’ironie : devrait-on parler de pillage de la France ?). En comparaison, la France a importé 85,6 milliards d’euros de marchandises allemandes, et 293 milliards aux pays de l’Union Européenne (de grands pays spoliés par le capitalisme à n’en pas douter…).

Autre exemple à l’échelle d’un pays africain : En 2014, la France a exporté vers le Sénégal pour 729 millions d’euros de marchandises, et importé du Sénégal 82 millions d’euros de marchandises[18]. C’est presque 10 fois moins. On peut donc en conclure que les échanges se font quasiment à sens unique pour certains pays africains, et que la France ne prélève pas grand-chose de la richesse produite par ces pays africains.




4)      Bilan : des relations économiques déséquilibrées.

Le bilan des relations économiques entre occident et Afrique est sans appel : non seulement l’Afrique n’est pas pillée par l’Occident, mais en plus les flux financiers démontrent un transfert très important d’argent de l’Occident vers l’Afrique. En somme, l’Afrique bénéficie très largement de l’argent des occidentaux. Si l’occidentalo-centrisme existait, alors il serait fondé à se plaindre du pillage de l’Occident par l’Afrique. Toutefois la course à la victimisation n’est pas l’objet de cet article. Car la grandeur d’un peuple se mesure non pas à l’importance de ses accusations de l’autre, de sa victimisation, de son négationnisme historique, de son déni, de son complotisme, mais à sa capacité à se projeter dans l’avenir. Dès lors il n’y a qu’un pas pour que l’Afrique connaisse un destin qui lui fera honneur, et qui respectera les peuples qui travaillent à ses côtés, et qui au regard des bénéficies qu’ils lui procurent, méritent mieux que se faire insulter de voleurs sans raison.   


BILAN DES RELATIONS ECONOMIQUES AFRIQUE / OCCIDENT
Origine des flux
Retombées pour l’Afrique
Transferts de la diaspora
82 milliards
Aide internationale
55 milliards
Dettes africaines effacées
84,6 milliards
Retraites françaises
2,3 milliards
Investissements étrangers
59 milliards
Achat d’Or
7 milliards
Achat de diamants
NC
Achat de pétrole
133 milliards
Déficit commercial avec la France
-6 milliards
TOTAL en faveur de l’Afrique =
416,9 milliards (dont 333,2 milliards annuels)
NB : Certains chiffres sont donnés bruts


[1] http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/04/21/remittances-to-developing-countries-decline-for-second-consecutive-year
[2] https://france.attac.org/se-mobiliser/faucheurs-de-chaises/article/quelques-rappels-sur-l-evasion-fiscale
[3] http://www.jeuneafrique.com/450215/societe/diaspora-dix-ans-largent-envoye-vers-lafrique-diaspora-a-progresse-de-36/
[4] https://www.oecd.org/dac/stats/documentupload/2%20Africa%20-%20Development%20Aid%20at%20a%20Glance%202015.pdf
[5] https://blogs.spectator.co.uk/2017/04/9824422/
[6] http://www1.wfp.org/
[7] http://www.afrik.com/article9231.html
[8] http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/12/01/20002-20151201ARTFIG00016-l-afrique-replonge-dans-l-endettement-a-outrance.php
[9] https://francais.rt.com/economie/43926-russie-efface-20-milliards-dette-pays-afrique
[10] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-09/20170920-rapport-securite-sociale-2017_1.pdf
[11] http://unctad.org/en/pages/PublicationWebflyer.aspx?publicationid=1782
[12] https://www.lesechos.fr/25/05/2017/lesechos.fr/030353085260_l-opep-prolonge-son-effort-de-baisse-de-production--les-prix-du-petrole-chutent.htm
[13] https://or-argent.eu/les-plus-gros-producteurs-dor-du-monde-par-pays-mine-et-societe/
[14] http://www.diamants-infos.com/brut/producteur.html
[15] https://fr.tradingeconomics.com/country-list/crude-oil-production
[16] https://www.eia.gov/
[17] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015391
[18] https://www.mays-mouissi.com/2015/12/30/analyse-echanges-commerciaux-entre-senegal-france/